Sahel Vert : l’agroécologie a aussi son centre de formation
Le niveau d’abandon scolaire au Sénégal est estimé à 12% au niveau moyen. Une masse importante de jeunes qui ont du mal à s’insérer dans le milieu professionnel. Une énorme perte pour l’État sénégalais si des solutions pérennes de réinsertion scolaire ou professionnelles de ces jeunes ne sont envisagées. Dans le même temps l’étude de l’IFAN cette année révélait que « Trois jeunes sur 4 partiraient du Sénégal si la chance se présentait. » C’est la statistique de l’année, comme le faisait remarquer Sobel Aziz NGOM, président de Social Change Factory.
Donner une seconde chance à ces jeunes en les insérant dans le secteur agricole, telle est l’ambition affichée par le Centre Sahel Vert. Seynabou SALL, la toute jeune directrice de ce centre nous explique : « Au Sénégal, ce n’est pas facile pour les jeunes ayant le niveau BFEM de suivre une formation en agroécologie ». Normal quand la plupart des écoles de formation en agronomie requiert le BAC S. Pourtant, « il y a beaucoup de jeunes qui veulent suivre la formation mais n’ont pas le niveau ni les informations nécessaires » confirme Seynabou. Crée en 2016 par le Centre Mampuya en collaboration avec Agribioservices, le centre Sahel Vert, implantée à Toubab Dialaw à 40km de Dakar, a pour objectif premier « de former des conseillers et techniciens en agroécologie et en production agroécologique » Ces deux structures : Agrobioservices et Mampuya disposent d’une bonne expérience dans l’agroécologie et ont décidé de joindre leurs efforts pour créer le Centre Sahel Vert. Agribioservices est par exemple présent à Thiès et s’active dans la commercialisation des produits biologiques.
Pour cette année, Sahel Vert propose deux filières : une en présentielle portant sur l’agroécologie et la production biologique et une formation modulaire qui se fait à distance. Pour cette dernière, la demande est là. Aboubacry, le gérant du centre Mampuya explique rencontrer souvent plusieurs personnes intéressées par la formation à distance. « Ces personnes ont souvent un travail différent de l’agriculture mais possèdent un domaine agricole sans pour autant disposer des connaissances de base minimum pour bien démarrer leur projet agricole. » L’une des innovations des formations au Centre Sahel Vert est l’importance des sessions pratiques. Pour avoir suivi une formation en agroécologie à l’université Gaston Berger de Saint Louis, la directrice de Sahel déplore que « 80% au moins de leur enseignement était théorique ». Après une licence en agroécologie, elle décide de prendre son courage en main et de « marquer une pause afin de gagner en expérience ». Heureusement pour cette passionnée d’agroécologie qui après un stage au centre Sahel Vert en est devenue aujourd’hui la directrice. Ce n’était pas évident au début, raconte Seynabou. Car « malgré le fait qu’on parle encore plus d’agroécologie, qu’on dise que c’est un métier d’avenir, l’insertion professionnelle n’est pas toujours évidente au Sénégal ».
La direction du centre insiste donc beaucoup sur la manière de former les jeunes. Et ces innovations portent leur fruit. Un jeune étudiant venu de la région de Thiès nous explique : « la manière dont je produisais avant et maintenant est totalement différente ». Un autre de ses camarades venant d’une zone réputée pour sa performance agricole comme le bassin arachidier « avant de venir au Centre, je n’avais aucune connaissance en agriculture et plus spécifiquement en agriculture biologique ». Le centre Sahel vert a ainsi changé la perception de plusieurs jeunes par rapport à l’agriculture biologique. Ce n’est pas que la théorie. Cette année, le centre a fait face à une épidémie de variole dans le cadre de la production avicole. Cependant, les produits chimiques sont bannis. Une manière pour les formateurs « d’inciter les étudiants à innover, à trouver les voies e moyens afin de contourner cette infection qui avait atteint le poulailler » nous fait savoir Aboubacry. Une solution qui a marché, puisque les pertes de volaille ont été minimes malgré le non recours aux produits chimiques.
Offrir une formation complète en agroécologie et production biologique est la très grande ambition du centre Sahel vert. Il ne manque cependant pas quelques contraintes qui ralentissent la réalisaton de cet objectif. La capacité d’accueil de ce centre est encore petite. Malgré la forte demande, une vingtaine d’étudiants seulement ont pu être reçues. Dans le cadre de la production maraîchère, le Centre fait également face à l’attaque des singes et une disponibilité en eau réduire malgré une disponibilité foncière importante. La direction espère dans les années à venir augmenter les superficies exploitées et la capacité d’accueil des étudiants. Le Sénégal a donc une ressource humaine de qualité sur laquelle compter pour engager la transition agroécologique. Le centre Sahel Vert compte bien jouer sa partition en espérant que les autorités et les différents partenaires puissent s’y joindre pour booster la production agroécologique.